Renouveler une convention collective en contexte d’inflation

Depuis février 2021, un phénomène bien connu, mais absent de nos écrans radars depuis plus d’un quart de siècle vient complexifier l’environnement économique : un niveau d’inflation qui semble hors de contrôle. Deux commentaires s’imposent d’entrée de jeu :
- Il y a un an, tous les spécialistes semblaient s’entendre pour dire que ce phénomène était temporaire et se résorberait par lui-même dans les 12 mois suivants; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cela dit, le retour à un taux d’inflation autour de 2,5 % pourrait survenir en 20231 selon Desjardins;
- La recette pour contrôler l’inflation est bien connue et passe par une hausse des taux d’intérêt. Il faut cependant trouver le bon dosage pour éviter de basculer dans une récession économique.
Tout cela pour dire que même si l’inflation redescend au niveau des dernières décennies dans environ un an, il y aura eu des répercussions sur le pouvoir d’achat des salariés.
Quelles sont les alternatives pour les employeurs qui sont en négociation ou qui le seront dans les prochains mois?
Au cours des années 1980, le recours à une « clause d’inflation »2 était assez typique. Une telle clause lie l’indexation des échelles salariales à l’inflation3 et est un moyen de préserver le niveau de vie des employés tout en conservant un certain contrôle de la masse salariale. Elle peut être formulée comme suit, par exemple : avec des augmentations d’échelles négociées à 2 %, « si le taux d’inflation excède 3 %, les échelles salariales seraient augmentées en plus en 2022 de l’écart entre le taux d’inflation 2021 et 3 % jusqu’à concurrence de 1,5 % ». L’inflation utilisée aux fins d’une convention collective doit être bien définie et elle doit donc spécifier la géographie (le Canada, le Québec, la région métropolitaine de Montréal, etc.) et les produits et groupes de produits (l’ensemble, l’ensemble excluant l’énergie, etc.) qui sont retenus pour réaliser le calcul. Le calcul proprement dit doit également être bien défini; par exemple, l’inflation 2021 peut être calculée comme la variation entre l’IPC de décembre 2020 et l’IPC de décembre 2021 ou la variation entre la moyenne des 12 IPC mensuels de 2020 et la moyenne des 12 IPC mensuels de 2021. Bien que les différentes méthodes engendrent des résultats similaires à long terme, elles peuvent générer des impacts différents à court terme et une définition claire de la clause d’inflation facilite l’application de la convention collective.
En contrepartie, si une ville négocie des clauses d’inflation qui ne sont pas appliquées uniformément au sein de l’organisation, elles peuvent alors générer d’autres problématiques. Ainsi, si la rémunération des employés est gérée à l’aide de conventions collectives différentes, l’indexation des échelles salariales pourrait être plus élevée pour les accréditations syndicales bénéficiant d’une telle clause. Or, si ces différentes accréditations syndicales font partie du même programme d’équité salariale, des ajustements pourraient être requis lors du maintien de l’équité salariale pour les accréditations ne bénéficiant pas de clause de ce type, particulièrement si elles rassemblent davantage de catégories d’emplois à prédominance féminine. Une façon simple d’éviter cet enjeu tout en préservant l’équité interne est de s’assurer d’appliquer (ou non) une clause d’inflation à l’ensemble des employés pour les mêmes années.
Par ailleurs, la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal (« Loi 15 ») a aussi eu au cours des dernières années des impacts sur la rémunération nette de certains salariés. Il est donc important que les municipalités planifient avec soin les prochaines négociations de leurs conventions collectives, afin de préserver leur capacité à attirer et à retenir les talents nécessaires à la réalisation de leur mission.
Auteurs
- Guillaume Paradis, M. Sc., conseiller
- Marc Chartrand, M. Sc., CRHA Distinction Fellow, ASC, conseiller principal
Diffusé dans le Bulletin des Gestionnaires en Ressources Humaines des Municipalités du Québec (GRHMQ) - Vol. 22 No 1, AVRIL 2022
Sources et notes
1Desjardins Études économiques, Prévisions économiques et financières, 18 mars 2022.
2Aussi appelée « clause d’indice des prix à la consommation ("IPC") » ou « clause d’indemnité de vie chère ("IVC") », notamment.
3L’inflation étant l’évolution du niveau des prix dans le temps et généralement calculée comme la variation de l’IPC dans le temps, et ce, à l’aide de données de Statistique Canada, par exemple.